Garraube ne se livre pas facilement, Garraube se mérite, c’est en effet une des propriétés les plus secrètes du Périgord en Dordogne. Vous découvrirez Garraube après avoir remonté son allée longue de 1,7 km à la lisière de la forêt de Liorac ; vous découvrirez à la fois cette maison, son site exceptionnel et la nature exubérante qui l’entoure. Un écrin idéal pour vos vacances en famille, plongez dans son histoire !
Garraube, c’est une histoire, celle de ses habitants, celle de ses murs, celle aussi d’un grand domaine foncier. En effet, Garraube a compté jusqu’à 2 000 hectares jusqu’à la fin du XIXe siècle, il en comptait encore 700 lors de sa mise en vente en 1923; il nous en reste 270, ce qui est modeste mais suffisant pour nous protéger car nous sommes chez nous où que nous tournions le regard.
La particularité de Garraube c’est aussi de n’avoir connu que deux familles ; la première y a vécu 450 ans, la seconde, la mienne, passe tout juste le cap des 100 ans.
Des vacances légendaires dans un château aux origines légendaires !
De l’autre côté de la colline qui fait face à Garraube, dans un fond de vallée, se trouve le vieux donjon féodal de Clérans, un des plus anciens du Périgord. Clérans a joué un rôle important entre le XIe et le XVe siècle, sans cesse disputé entre les couronnes anglaises et capétiennes.
Vers 1405, un des derniers capitaines du Clérans anglais, qui dépendait alors des Beaufort de Limeuil, s’appelait Hélie Walton. Ces Walton, d’origine anglaise, ou irlandaise, on ne sait pas bien, semblent être arrivés en Aquitaine au début de la guerre de cent ans. On connaît un Stéphane Walton dès 1396. Ils semblent s’être enrichis rapidement, ils auraient été marchands d’armes.
Toujours est-il qu’Hélie Walton devint certainement très vite familier du site qui allait devenir Garraube, à quelques minutes à cheval de Clérans. Peut- être venait-il y chasser. Ce vallon tranquille, sans doute très simplement habité à cette époque, contenait tout ce qui pouvait convenir à un établissement durable : de l’eau en abondance (nous connaissons dix-huit sources), des terres riches, une forêt voisine avec des chênes à glands, des châtaigniers …, un éperon rocheux propre à la construction…Rien de tout cela ne devait échapper à Hélie.
En octobre 1453, après la bataille de Castillon en Dordogne, les anglais rembarquent à Bordeaux. Pas les Walton, déjà nombreux en Périgord, qui ont commencé à s’établir à l’est de Bergerac, et peut-être déjà à Garraube. Mais les Walton ne s’appellent plus Walton, ils s’appelleront désormais Valleton et vont devenir sous ce nom une des grandes familles du Bergeracois. Très vite ils épousent des demoiselles du pays, fort bien choisies et généralement fortunées : Hélie Walton avait épousé Peyronne de Sanclar, son fils Thomy, devenu Valleton, épouse Henrique de Biderand.
Le nom de « la Garraubia » est attesté dès 1460 ; ce nom pourrait provenir d’une céréale locale appelée « la garraube », mais aussi du caroubier, que l’on trouve encore sur la propriété. Cette Garraubia semble succéder à un « manse »plus ancien, c’est-à-dire une modeste exploitation familiale, que les Valleton ont sans doute rachetée et agrandie. Il y eut donc à la fin du XVè siècle une première construction Valleton à Garraube ; maison forte, certainement, car les temps resteront longtemps troublés, notamment au moment des guerres de religion. Disons tout de suite que nous sommes à Garraube en plein pays protestant ; il y aura un temple à Clèrans, un autre au hameau de Filolie, tout proche. Les Valleton ont rallié très tôt la réforme et la plupart lui resteront fidèles ; Garraube sera une maison protestante jusqu’à la fin du XIXè siècle.
Nous n’avons aucune trace directe de ce premier établissement, seulement quelques traces inexpliquées dans le sous-sol du Garraube actuel, et nous ne savons pas grand- chose de l’histoire des Valleton et de Garraube au XVIe et au début du XVIIe siècle. La puissance de la famille continue de s’accroître ; un pas décisif est franchi avec Jean II Valleton (comme les Valleton s’appellent souvent Jean, on est obligé de les numéroter) qui reçoit en 1613 le titre de Receveur des Tailles en Périgord.
1650 à 1900 : deux siècles et demi de grandeur.
Vers 1650, nous retrouvons les Valleton, fort bien établis dans tout l’est bergeracois. On peut les suivre à la trace car ils portent les noms des propriétés qu’ils ont acquises : Valleton de Boissière, Valleton du Roc, Valleton de la Tissanderie, Valleton de Genthial, et, bien sûr, Valleton de Garraube. Devenu propriétaire de Garraube « après procès et transaction », c’est certainement Jean III, fils de Jean II qui fit construire la première ébauche du Garraube actuel dans les années 1670-1680 ; c’est à ce moment qu’il prit le nom de Valleton de Boissière et de Garraube. En 1680 il rendit hommage au roi pour sa seigneurie de Garraube ; il avait « haute justice » dans les paroisses de Cause, Liorac et Saint-Cybard. Il eut plusieurs enfants de sa femme, Marie de Josset, dont deux fils, Josué et Jean IV, héritiers conjoints de Garraube. Mais après un partage c’est Jean IV qui en 1692 reprend propriété et titre. Pour les protestants, les temps deviennent difficiles, l’Edit de Nantes a été révoqué en 1685 ; Jean IV et sa femme, Jeanne Sorbier, abjurent le protestantisme en 1705 à l’église de Liorac ( abjuration sans doute purement formelle) ; quant à Josué, il émigrera en 1730 et fondera la branche hollandaise des Valleton, qui existe toujours. (Nous voyons régulièrement arriver à Garraube, avec des vieilles lettres ou photos, des descendants des Valleton hollandais. C’est toujours très touchant.)
Après Jean IV vient Pierre, écuyer, seigneur de Garraube (Il se sépare de la référence à la Boissière) puis nous arrivons aux deux Valleton de Garraube les plus illustres, tous deux généraux. Pour Garraube, c’est l’âge d’or. (Rappelons que sous Louis XVI, la situation des protestants s’était considérablement améliorée ; l’Edit de Tolérance date de 1787. De grands notables protestants, comme Necker, pouvaient être appelés au gouvernement).
Le premier fut Joseph, « chevalier de Garraube », capitaine aux cent suisses, colonel en 1789, maréchal de camp en 1791. Il fut connu à la cour de Louis XVI où sa femme, la très belle Louise La Perche, eut dit-on un certain succès.
Son fils Jean Alexandre Valleton de Garraube, qui avait également commencé une carrière militaire, se rallia à Louis Philippe en 1830 et sera député de la Dordogne de 1831 à 1848, en même temps que Bugeaud, Prévôt-Leygonie… Il sera maréchal de camp en 1840 et commandant d’une partie de la garnison de Paris.
Si nous avons gardé, particulièrement, le souvenir de ces deux Valleton c’est parce qu’ils sont enterrés à Garraube. Restés protestants, ils se faisaient enterrer chez eux. Depuis cent ans nous veillons sur leurs tombes.
Une famille s’en va, une autre arrive…
Le temps des Valleton est maintenant compté ; Edmond , fils de Jean-Alexandre, hérite de Garraube, mais, célibataire, il le lègue à son neveu, Albéric Valleton de Boissiére en 1899. Celui-ci laisse la propriété pendant de nombreuses années entre les mains d’un marchand de biens, qui la déboise largement. Puis, en 1923, Albéric vend Garraube à mon grand-père, Jacques Laurent.
C’est le début d’une nouvelle ère. Jacques Laurent avait été attiré en Dordogne par deux camarades de guerre.
En janvier 1940 un incendie accidentel détruisit les 2/3 du corps de logis principal de Garraube. Jacques Laurent, mobilisé, partit en captivité en Allemagne en juin 40 et ne revint qu’en octobre 1941. Prisonnier de guerre, il consacra tout son temps à faire les plans de la reconstruction de la maison. Nous conservons tous les dessins de sa main, marqués du tampon de l’oflag de Poméranie où il a passé 18 mois.
Ma famille est maintenant établie à Garraube depuis cinq générations. Mon grand-père en a été le maître de 1923 à 1989 ; mes frères et sœurs et moi-même l’avons repris en 1989 et nous nous efforçons de le faire vivre avec la même passion que les Valleton et Jacques Laurent. Nous sommes heureux de vous faire vivre l’histoire de Garraube pendant vos vacances en famille.
Le charme d’une réserve naturelle et le murmure de l’eau qui coule.
Chaque siècle apporta des modifications.
Au XVIIIe, on construisit le grand escalier extérieur devant lequel vous vous trouvez, avec ses belles ferronneries, très bordelaises, dont on dit qu’elles ont été choisies par Louise La Perche, la femme de Joseph Valleton, qui était originaire de Tonneins. Un peu plus tard, sans doute sous Jean Alexandre, on aménagea le parc, avec cette pièce d’eau, que nous appelons vivier, qui met admirablement en valeur Garraube et dont le tracé figure déjà sur le cadastre napoléonien.
Au XIXe, toujours avec Jean Alexandre, et avec Edmond, Garraube change complétement de proportions : Le corps de logis est élargi pour créer la grande entrée actuelle et la toiture est modifiée en conséquence. On crée aussi les deux petites serres devant les pavillons, avec leurs terrasses.
Les communs sont considérablement agrandis en 1857, avec la création des deux basse- cours.
Mon grand-père ne changea rien, dans un premier temps, au Garraube dans lequel il venait de s’installer. Comme je l’ai dit, en janvier 1940, les 2/3 du corps de logis principal et le pavillon sud-ouest se sont effondrés dans les flammes avec tout ce qu’ils contenaient. De 1944 à 1950, Jacques Laurent a reconstruit Garraube, avec les très bons artisans qu’il trouvait alors dans les villages voisins. Les extérieurs ont été remontés à l’identique, l’intérieur a été profondément modifié et Garraube a pu devenir la maison très confortable qu’elle est aujourd’hui.
De tout cela, il demeure une originalité incontestable et une unité que les transformations n’ont pas altérées. Ceci a permis le classement de Garraube à l’Inventaire Supplémentaire de Monuments Historiques dans les années 1990.
Ce qui caractérise aussi Garraube ce sont ses communs. Ils évoquent bien ce que pouvait être, aux XVIIIe et XIXe, une grande propriété foncière vivant pratiquement en autarcie, avec ses fermes et métairies, son moulin, son vivier, son four à chaux, son pressoir, la forêt toute proche qui produisait du bois de menuiserie et de charpente, du charbon de bois, des pavés de grés …
Aujourd’hui l’activité agricole a pratiquement disparu et le domaine s’est dépeuplé mais grâce à Jacques Laurent, qui a reboisé dès 1925, nous avons encore une très belle forêt de feuillus et Garraube est devenu une réserve naturelle, sans statut pour le moment, mais très riche en oiseaux, en chauves-souris, en papillons (que des spécialistes viennent observer régulièrement)…et en «zones humides» très appréciées des naturalistes. Le murmure permanent de l’eau fait aussi partie du charme de Garraube.